La fin des campagnes
Pourquoi et comment la réforme des
rythmes scolaires va tuer la France rurale?
En tant que maire de
Saâles, j'ai participé pendant trois ans à un projet européen
INTERREG consacré à l'aménagement des terroirs ruraux et à
l'économie du foncier. La motivation des maires allemands à
intégrer un tel programme fut pour nous une surprise. Elle était
identique pour tous: connaître les moyens par lesquels nous
arrivions en France à conserver les petits commerces et surtout à
garder voir à remplir nos écoles. Lors de nos multiples visites
dans les communes allemandes, nous nous rendîmes compte que pour une
population équivalente, leur école comptait deux à trois fois
moins d'enfants. La différence par son ampleur ne pouvait se
satisfaire de la simple explication de la dynamique démographique.
Les maires nous la donnèrent. Au vu des rythmes scolaires allemands,
le péri-scolaire proposé par les communes prend une place très
importante. Or les communes rurales n'ont pas les moyens financiers
pour proposer un accompagnement de la même qualité que les communes
urbaines ou péri-urbaines. En conséquence, les parents avec jeunes
enfants font le choix de la ville.
En France, il est une
inégalité sur laquelle règne l'ormetta. C'est celle de la
différence de richesse entre les communes. Les gestionnaires de
communes savent que les taxes sur le foncier bâti et d'habitation
servent à couvrir les charges courantes. La différence de richesse,
ce sont les versements compensatoires issus de l'ex taxe
professionnelle qui la crée. Depuis plus de 30 ans se développe un
fossé, un gouffre aujourd'hui entre les communes. Par habitant, le
rapport de l'ex TP peut aller de 1 à 40 voir plus. Concrètement,
pour 1000 habitants, une commune peut toucher 10,000 euros et une
autre 400,000. La péréquation existante à ce jour frise le
ridicule. Elle permet de passer de 10.000 à 20.000 euros. Les
communes riches ont donc la capacité de proposer de plus en plus de
services de qualité attirant de fait les classes moyennes et
supérieures. L'augmentation du coût de la vie qui en découle,
fragilise les populations les plus précaires qui déménagent vers
les territoires ruraux éloignés. Aujourd'hui, les communes les plus
pauvres concentrent les populations les plus fragiles alors qu'elles
sont celles qui ont le moins de moyens pour les aider. Il n'est pas
rare que le montant dépensé par enfant entre une commune pauvre et
une commune riche oscille dans un rapport de 1 à 10. Bref, les
enfants les plus aidés sont ceux qui ont en le moins besoin.
La réforme sur les
rythmes scolaires va encore accentuer le phénomène comme le montre
l'exemple allemand. L'aide proposée couvre en aucun cas les frais
supplémentaires et elle est de surcroît temporaire.
Si il est vrai que le
rôle de la famille et particulièrement des parents est prépondérant
dans la réussite scolaire des enfants, il ne peut toutefois y avoir
une réforme réussie et un recul de l'échec scolaire sans une
véritable péréquation de l'ancienne taxe professionnelle entre les
communes.
Ce qui est une évidence
pour tous les spécialistes de l'économie, de l'éducation et de
l'aménagement du territoire a fort peu de chance de se concrétiser.
Car comme me le rappelait
non sans cynisme mais avec beaucoup de bon sens un député « De
gauche comme de droite, la majorité des députés sont des élus de
communes riches ».
Jean VOGEL
maire de Saâles
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire