mardi 7 mai 2013


La fin des campagnes

Pourquoi et comment la réforme des rythmes scolaires va tuer la France rurale?

En tant que maire de Saâles, j'ai participé pendant trois ans à un projet européen INTERREG consacré à l'aménagement des terroirs ruraux et à l'économie du foncier. La motivation des maires allemands à intégrer un tel programme fut pour nous une surprise. Elle était identique pour tous: connaître les moyens par lesquels nous arrivions en France à conserver les petits commerces et surtout à garder voir à remplir nos écoles. Lors de nos multiples visites dans les communes allemandes, nous nous rendîmes compte que pour une population équivalente, leur école comptait deux à trois fois moins d'enfants. La différence par son ampleur ne pouvait se satisfaire de la simple explication de la dynamique démographique. Les maires nous la donnèrent. Au vu des rythmes scolaires allemands, le péri-scolaire proposé par les communes prend une place très importante. Or les communes rurales n'ont pas les moyens financiers pour proposer un accompagnement de la même qualité que les communes urbaines ou péri-urbaines. En conséquence, les parents avec jeunes enfants font le choix de la ville.
En France, il est une inégalité sur laquelle règne l'ormetta. C'est celle de la différence de richesse entre les communes. Les gestionnaires de communes savent que les taxes sur le foncier bâti et d'habitation servent à couvrir les charges courantes. La différence de richesse, ce sont les versements compensatoires issus de l'ex taxe professionnelle qui la crée. Depuis plus de 30 ans se développe un fossé, un gouffre aujourd'hui entre les communes. Par habitant, le rapport de l'ex TP peut aller de 1 à 40 voir plus. Concrètement, pour 1000 habitants, une commune peut toucher 10,000 euros et une autre 400,000. La péréquation existante à ce jour frise le ridicule. Elle permet de passer de 10.000 à 20.000 euros. Les communes riches ont donc la capacité de proposer de plus en plus de services de qualité attirant de fait les classes moyennes et supérieures. L'augmentation du coût de la vie qui en découle, fragilise les populations les plus précaires qui déménagent vers les territoires ruraux éloignés. Aujourd'hui, les communes les plus pauvres concentrent les populations les plus fragiles alors qu'elles sont celles qui ont le moins de moyens pour les aider. Il n'est pas rare que le montant dépensé par enfant entre une commune pauvre et une commune riche oscille dans un rapport de 1 à 10. Bref, les enfants les plus aidés sont ceux qui ont en le moins besoin.
La réforme sur les rythmes scolaires va encore accentuer le phénomène comme le montre l'exemple allemand. L'aide proposée couvre en aucun cas les frais supplémentaires et elle est de surcroît temporaire.
Si il est vrai que le rôle de la famille et particulièrement des parents est prépondérant dans la réussite scolaire des enfants, il ne peut toutefois y avoir une réforme réussie et un recul de l'échec scolaire sans une véritable péréquation de l'ancienne taxe professionnelle entre les communes.
Ce qui est une évidence pour tous les spécialistes de l'économie, de l'éducation et de l'aménagement du territoire a fort peu de chance de se concrétiser.
Car comme me le rappelait non sans cynisme mais avec beaucoup de bon sens un député « De gauche comme de droite, la majorité des députés sont des élus de communes riches ».

Jean VOGEL
maire de Saâles

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